Depuis le début de l’année 2020, toutes les entreprises titulaires d’un marché public sont dans l’obligation de transmettre à leurs clients leurs factures sous forme électronique. Déjà obligatoire pour les structures de plus de 10 salariés, cette mesure s’étend désormais à l’ensemble des entreprises. Nous assistons à une généralisation de la dématérialisation et le calendrier législatif nous montre que cette tendance va s’accentuer dans les années à venir. Mais qu’entendons-nous exactement par « facture électronique » ?
Une reconnaissance accrue de l’original numérique
« Concrètement, cela signifie que nous entrons dans une forme de dématérialisation accélérée, qui vise à atteindre la forme originale numérique pour tous les documents », explique Jean Saphores, Expert-Comptable et commissaire aux comptes, spécialiste de la facturation électronique.
La mesure du 1er janvier, qui passerait presque inaperçue, a pourtant un impact non négligeable quand on sait que le secteur public représente près de 100 000 établissements, de tailles et de formes variées : régies d’eau, écoles, mairies... « Cela veut dire, par exemple, qu’un boulanger de village qui fournit des viennoiseries pour les évènements organisés par sa mairie doit désormais déposer sa facture en ligne, via la plateforme spécialement créée Chorus Pro, pour qu’elle soit ensuite distribuée auprès de l’établissement concerné?et réglée ».
Des avantages pour les entreprises
Volonté écologique ? Facilité de contrôle par l’administration ? Il est légitime de se demander pourquoi une telle volonté de se débarrasser du papier, et de remarquer ainsi que les avantages sont nombreux pour les entreprises, TPE et PME en première ligne. Si la prise en main de nouveaux outils peut rebuter au départ, les gains d’argent, de productivité et de sécurisation du système d’information rendus possibles par la facture électronique doivent permettre de dépasser ces appréhensions. « Très clairement, on accélère et on facilite le cycle complet de la facture, de son émission, jusqu’à son archivage ».
Avec la facturation électronique, les temps de traitement sont réduits et les risques de perte de documents sont donc limités. Mais « le principal avantage repose sur la traçabilité de la facture ». Par effet de conséquence, le délai de paiement est raccourci. « Avec la facture électronique, la date officielle de réception de la facture est non contestable ». Le début du délai de 45 ou 60 jours autorisé pour le paiement est ainsi respecté et le traitement des données de la facture est facilité.
Une sécurisation à la hauteur des enjeux
Pour répondre à la principale peur de la sécurisation des données, Jean Saphores est formel : « La facture électronique est sécurisée ». Trois méthodes permettent de vérifier sa valeur probante.
Tout d’abord, la piste d’audit fiable, qui repose sur des contrôles documentés et permanents tout au long du cycle de vie de la facture. Cependant, cette méthode peut être chronophage ou difficile pour les entreprises qui n’ont pas forcément de services administratifs dédiés à la comptabilité.
C’est pourquoi il existe d’autres solutions pour remplacer cette piste d’audit fiable : la facture en EDI (échange de données informatisées), plutôt utilisée par les grandes entreprises, et la facture signée, plutôt mise en œuvre par les PME ou TPE. Pour assurer l’authenticité de la facture, il faut alors que cette dernière soit scellée électroniquement de manière à en identifier l’auteur et à en garantir l’intégrité.
Pour permettre la généralisation de cette facturation électronique, la norme Factur-X a été publiée en 2017 : il s’agit de l’édition d’un document au format PDF/A auquel est accolé un fichier XML qui permet son traitement informatique. Ainsi, nous explique Jean Saphores, « la solution la plus complète, hors EDI, est celle de la facture sous format Factur-X scellée électroniquement ».
« La facture scellée électroniquement porte en elle sa force probante ». L’article 1366 du Code civil nous indique qu’un écrit électronique a la même force probante qu’un document écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifié la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité.
Des enjeux pour le futur
Progressivement, cette logique de dématérialisation va être étendue aux rapports entre entreprises du secteur privé, c’est-à-dire aux factures BtoB. « L’article 153 de la loi de finances 2020 prévoie une obligation de facturation électronique et un dépôt des données de la facture à l’administration fiscale entre 2023 et 2025, selon des modalités qui doivent être publiées fin 2020 ». Une réforme pour le mieux, mais qui n’arrive que tardivement dans les priorités des petites entreprises. « Les experts comptables vont avoir ici un rôle clé, pour accompagner leurs clients à les aider à anticiper ces changements à venir ».