« Grâce au confinement et à la mise en place du télétravail généralisé, on s'est enfin débarrassé de tous les freins technologiques et des soi-disant blocages psychologiques ! » Un vrai progrès pour Jérémy Roche, directeur administratif et financier du spécialiste de la pièce automobile Niort Frères, qui emploie quelque 600 collaborateurs autour de l'axe Seine, entre Paris, Rouen et Le Havre. Du jour au lendemain, ou presque, il est devenu possible d'envoyer les factures clients par Internet comme, en interne, de transférer électroniquement des documents qui prenaient auparavant la voie du courrier. « Ce qui était "impossible" est devenu la norme en quelques jours ! »
Parmi les plus motivés, bien sûr, les fournisseurs, avec une soudaine progression du taux d'adhésion à la facture digitalisée. Mais même les banquiers, avocats et autres conseils ont enfin changé leurs modes opératoires. « Fini les longues séances de signatures chez les avocats parisiens : on peut désormais tout faire à distance, par voie électronique et dans des conditions de sécurité optimales. Le temps gagné est considérable », indique Yannick Villeneuve, directeur financements et trésorerie du groupe Reden Solar, spécialisé dans la production d'électricité d'origine photovoltaïque et basé à Agen. Susanne Liepmann, CFO du groupe HTL Biotechnologie et présidente de l'association professionnelle FI Plus, confirme : « Il n'y a plus de débat aujourd'hui sur la digitalisation. Tous les projets avancent. Et même les entreprises qui n'y étaient pas encore sont en train de s'y mettre. C'est une vraie révolution. »
Efficacité et autonomie
Plus largement, le télétravail a transformé la communication dans l'entreprise, permettant aux financiers d'interagir plus facilement avec les opérationnels ou avec leurs homologues situés dans d'autres pays. « Nous avons gagné en confort et en convivialité : les outils de visioconférence sont beaucoup plus agréables que le téléphone pour échanger avec les responsables de filiale. Nous en disposions déjà, mais personne ne les utilisait avant la crise », illustre un responsable financier.
En outre, les réunions à distance s'accordant mal avec le retard, une bataille a été gagnée sur les terrains de la ponctualité et de l'efficacité. « La "visio" oblige à une certaine rigueur. Comme la concentration et l'interactivité sont très différentes, les réunions sont plus brèves et on perd beaucoup moins de temps qu'avant », estime Jérémy Roche. Une organisation stricte, qui sied bien aux financiers d'entreprise. « L'audit annuel s'est finalement mieux passé que d'habitude : des créneaux de rendez-vous précis ont été fixés avec les commissaires aux comptes et les équipes ont trouvé les échanges plus fluides », confie une responsable.
On a gagné en confort, en efficacité et surtout en flexibilité.
Susanne Liepmann CFO du groupe HTL Biotechnologie
Enfin, en finance comme ailleurs, les nouvelles habitudes de travail ont fait évoluer le management. En mieux. « Beaucoup de managers avaient une forte suspicion par rapport aux horaires effectués par leurs collaborateurs à distance. Le télétravail les a contraints à évoluer dans leurs méthodes de management pour plus d'efficience », explique Isabelle Dupuich, directrice financière de transition. Á distance, il a bien fallu faire confiance. Avec parfois de très bonnes surprises. « Il y a eu une grande mobilisation, notamment des équipes comptables et informatiques, tous ont pris leurs responsabilités, sans jamais faire défaut à l'équipe. Certains collaborateurs se sont véritablement révélés. Ils ont gagné en autonomie et en confiance... Et nous sommes parvenus à tenir les délais », raconte Brigitte Geny, DGA finance et juridique de Synlab France, un acteur de la biologie médicale qui emploie environ 3 500 personnes.
Des risques toutefois
Sans compter que le regard sur le travail à la maison a considérablement évolué. « On ne peut plus penser aujourd'hui que les collaborateurs travaillent moins, ou sont moins efficaces à la maison. Au contraire, le temps à domicile est désormais vu comme un cadre privilégié pour certaines tâches plus ardues ou qui réclament calme et concentration », reconnaît un professionnel de la finance. Prendre un temps chez soi pour préparer la paye, plancher sur le budget ou répondre à des mails délicats ne surprend plus personne. « On a gagné en confort, en efficacité et surtout en flexibilité », résume Susanne Liepmann.
Reste que le télétravail porte aussi son lot de risques. Selon une enquête récente menée par RSM et la DFCG, les deux tiers des groupes semblent s'orienter vers une forme hybride, entre présentiel et distanciel : deux à trois jours de télétravail par semaine, résultat d'un dosage fin entre les souhaits des collaborateurs et les besoins d'échanges et de cohésion des équipes.