C'est un problème endémique de l'économie française. Même si les retards de paiement des factures entre entreprises se sont réduits ces dernières années, ils restent plus élevés que chez nos voisins. Et Bercy a bien l'intention de mettre la pression sur les mauvais payeurs.
Selon le rapport annuel de l'Observatoire des délais de paiement publié ce jeudi, les retards de paiement atteignaient en moyenne 11,5 jours fin 2019, soit un niveau à peu près équivalent à celui de l'année précédente. Pour les seules PME, le manque à gagner en termes de trésorerie non disponible dans les délais légaux représente tout de même 19 milliards d'euros.
Depuis quelques années, « globalement, les retards de paiement sont à peu près stables », constate Alain Griset, le ministre chargé des PME. « Nous avons atteint une sorte de plafond de verre, à 11 jours. Ce n'est toutefois pas satisfaisant. Nos voisins néerlandais ont un retard de 4 jours seulement en moyenne et les Allemands, de 7 jours. La différence entre la France et ces deux pays n'est pas normale. Nous nous fixons donc un objectif de parvenir à un retard inférieur à 10 jours à fin 2021 », indique le ministre lors d'un entretien aux « Echos ».
Incitation et « éducation » des patrons
Avec une conviction : « Il faut faire comprendre aux grandes entreprises qu'elles ont intérêt à avoir des sous-traitants en bonne santé. Si les Pdg en sont souvent conscients, c'est moins le cas quand on descend dans la hiérarchie. Il faut donc que nous sensibilisions le management des grandes entreprises », estime le ministre. « Comme les salaires sont payés à temps, les entreprises doivent régler leurs fournisseurs à temps », fait valoir Alain Griset.
Pour l'instant, c'est donc par l'incitation et « l'éducation » des patrons que cet ancien président de l'U2P, l'organisation patronale des commerçants, artisans et indépendants, entend régler le problème. « Je ne m'interdis pas d'utiliser des outils plus contraignants à l'avenir », dit-il toutefois.
La dématérialisation des factures
Autre possibilité pour réduire les retards de paiement : la facturation électronique qui deviendra obligatoire pour les entreprises en 2023. « La dématérialisation des factures permet de réduire les délais de paiement. L'Etat, qui y est passé, a d'ailleurs réduit de deux jours en 2019 le règlement de ses fournisseurs. Les entreprises y gagnent en simplification et en efficacité », met en avant Jeanne-Marie Prost, la présidente de l'Observatoire des délais de paiement. « Avec la facturation électronique, on peut gagner 3 à 4 jours dans les retards de paiement », estime pour sa part Alain Griset.
Ce qui serait une bonne chose. Car « certains secteurs restent dans une position structurellement difficile. C'est notamment le cas des services aux entreprises et particulièrement de l'information-communication, ainsi que de la construction », pointe Jeanne-Marie Prost. Selon le rapport de l'Observatoire des délais de paiement, un tiers des entreprises continuaient en 2018 à payer leurs factures avec retard.
Pas trop d'allongements dus au Covid-19 pour l'instant
« En 2020, avec le confinement, le gouvernement a mis en place un comité de crise sur les délais de paiement et il n'y a pas eu de problèmes importants avec les grandes entreprises », assure Alain Griset. « Mis à part une ou deux exceptions, elles n'ont pas profité de la crise pour se faire de la trésorerie sur le dos de leurs sous-traitants. De la même façon, nous n'avons pas constaté de décalages très importants en matière de retard de paiement pendant le confinement », selon le ministre.
La société Altares estime que les retards de paiement des factures sont passés à 13 jours au deuxième trimestre. Pas de croissance exponentielle donc. Mais le confinement a gelé les affaires et donc moins de factures ont été émises.
La situation exige de la vigilance car les retards ont continué à augmenter en juillet et sont souvent le fait de petites entreprises. La conjoncture très difficile dans certains secteurs, les problèmes de liquidités que peuvent rencontrer les PME suite à la pandémie et la nécessité pour elles de racheter des fournitures après un arrêt aussi long alors qu'elles n'ont pas les fonds disponibles rapidement participent à cette hausse.